Google nous rendra tous pauvres (de sens)
Mais sinon, quelle est la durée de cuisson d'un œuf à la coque ? 🥚
Nous nous interrogions le mois dernier sur le sens des mots. Sur ce qui donne son sens à un mot et sur l'évolution de ces sens. La discipline de la linguistique qui étudie le sens s'appelle la sémantique. Et ce mot de sémantique rend dingue aujourd'hui toutes les personnes qui travaillent le référencement naturel. Pourquoi ? Car c'est toute la force – et le revers de la médaille – de Google : des robots qui comprennent ce que des humains expriment.
Mais avant toute chose, voici un petit détour vers le sens – justement – de sémantique :
Et comme je ne sais pas si tous les lecteurs de cette missive sont très au fait des notions basiques de référencement naturel, je vais essayer de les résumer, afin de ne perdre personne.
Le référencement en 3 mots – et sans chinois
Imaginons que vous ayez un site internet qui vende des ustensiles de cuisine (si vous avez les mêmes mercredis soirs que moi, vous comprendrez où mon cerveau va chercher des exemples !).
De votre côté, vous aimeriez vendre beaucoup d'ustensiles de cuisine.
D’un autre côté, beaucoup de personnes se prennent pour des cuistots et voudraient se procurer casseroles et fouets. Elles ouvrent leur navigateur internet, vont sur Google et tapent "casserole pour faire cuire des trucs", ou quelque chose dans le genre.
On dit que ces personnes font une requête.
Mais... c'est quoi une requête ? Petite interruption sémantique...
Vous qui vendez des ustensiles, vous voudriez que Google propose votre site en réponse à cette requête, pour que le gentil internaute achète sa casserole chez vous !
Oui mais voilà, il y a une troisième entité dans l'équation : Google.
Et que veut Google ? 👉 💵💵💵💵💵💵💵💵
Le moteur de recherche a pour cela besoin de donner les meilleures réponses aux requêtes des internautes, pour que ceux-ci viennent lui poser leurs prochaines questions (et filent leurs données, cliquent pour faire payer les marques, bref, donnent de l'argent à Google en passant du temps chez lui).
Là où la sémantique est indispensable...
Google travaille constamment sur son algorithme (ou plutôt ses algorithmes car tout cela est bien complexe), afin de comprendre au mieux ce qui se raconte sur chacune des pages du Web. Et les chercheurs en sémantique leur sont bien utiles ! Car comment comprendre un texte quand on n'est qu'un robot ? Qu'est-ce qui fait sens ? Qu'est-ce qui me dit que ce texte parle d'un chinois (= l'ustensile de cuisine), et non pas d'une personne, une langue, ou un type de restaurant ?
De l'autre côté, il faut également bien comprendre la requête de l'internaute, pour lui proposer la réponse la plus appropriée ! Et si, après avoir vu ces merveilleuses sauces préparées par les candidats de Top Chef je me sens pousser des ailes, il va me falloir ce fameux chinois :
Google a fait un premier choix pour moi : il pense que je veux manger chinois. 🍛 Loupé. Ou que je veux en apprendre plus sur la langue chinoise. 🇨🇳 Encore loupé. Mais il a bien compris que chinois peut être polysémique et me propose, sur la droite, de faire mon choix parmi trois chinois distincts... et mon ustensile apparaît !
Finalement, même si la requête est polysémique, Google va s'en sortir :
1️⃣ il me propose d'affiner ma requête
2️⃣ il y a de grandes chances que, voyant ces résultats, je précise ma requête.
Là où Google va être plus embêté, c'est quand je ne connais même pas le nom de ce que je cherche, et que je vais devoir passer par une périphrase un peu bancale.
Car voyez-vous, avec Top Chef, je me sens vraiment pousser des ailes :
Vraiment trop fort ce Google. Il a compris que je voulais un "toqueur" ! 🥚
☕️ Pause vidéo : Pour comprendre l'histoire de ce nom, et de l'objet par la même occasion, je vous renvoie à mon émission favorite (oui oui, avant Top Chef !), Karambolage.
Revenons à vos problématiques, vous qui avez un site vendant ces fameux toqueurs. Si vous voulez que Google comprenne l'objet de votre page (= vous vendez un truc qui coupe le haut de l'oeuf et qui s'appelle un toqueur), il va falloir mettre tous ces mots dans votre page : toqueur, œuf, coque, couper, ustensile, décapiter, coquetier, etc, etc. Car Google a beau faire des prouesses, il n'en reste pas moins un robot qui a besoin de choses concrètes pour comprendre ce que vous racontez. Ces choses concrètes, il les trouve dans les champs lexicaux. Autrement dit, il va analyser tous les termes d'une page, les comparer à d'autres termes qu'il connaît déjà, qu'il a identifiés comme étant utilisés dans tel contexte pour dire telle chose, pour comprendre le sujet de la page et pouvoir ainsi le proposer en réponse à une requête autour du même sujet.
Et c'est donc parti pour les tartines (qui vont bien au-delà de quelques mouillettes) sur "comment décapiter un œuf", "quel ustensile pour couper un œuf proprement", "quelle est la meilleure façon de déguster un œuf à la coque" : celui qui en étalera le plus mettra d'autant plus de chances de son côté d'apparaître haut dans les résultats de Google. Et on finit par ne plus vendre un toqueur mais un "outil pour fendre les oeufs et enlever la partie supérieure de la coquille" :
Tous les mêmes, tous les mêmes, et y'en a marre !
Je ne vous jette pas la pierre, Pierre. Nous faisons tous cela. Là où quelques mots auraient suffi à l'internaute, nous en mettons toujours plus. Et nous rédigeons, souvent, malheureusement, pour ne rien dire.
Sur notre histoire d'œuf, cela pourrait se justifier : on vend un produit, on décrit comment l'utiliser, on explique les différents modes de dégustations et pourquoi il est le meilleur parmi les autres ustensiles. Soit.
Le problème est que, souvent, les textes des sites web sont rédigés par des rédacteurs n'ayant aucune notion de ce qu'ils avancent. Ils tartinent allègrement. Ils positionnent les mots qu'on leur dit de positionner. Ils vont piocher sur un site une information et sur un autre site une autre information. Tous les sites finissent par raconter exactement la même chose et l'internaute, parfois, ne trouve même pas la réponse à sa question initiale. Les exigences de Google finissent par uniformiser les propos et lisser tout ce que l'on peut lire sur la Toile. 🤯
Et je vous renvoie, à ce sujet, à ce formidable article sur la gentrification d'internet. Mais aussi indirectement, à cet article que j'ai rédigé il y a quelques temps maintenant sur la façon dont Google arrive à influer sur l'orthographe des mots - comme si le sens ne suffisait pas !
Alors que fait-on ?
Maintenant que j'ai démoralisé tout le monde, trouvons quelques solutions.
En tant qu'internaute 👉 quitter Google. Sortir. Voir des vrais gens. Réfléchir avant de poser des questions stupides à une machine.
En tant qu'éditeur de site, marque, entreprise qui a besoin de vendre ses produits et qui sait que, tant que l'internaute sera sur Google, il faudra être sur Google 👉 suivre ces quelques principes.
1️⃣ Le bon mot-clé tu trouveras.
Voilà la clé de tout !
Au fait, pourquoi parle-t-on de 🔑 dans mot-clé ? On vous explique sur ce post LinkedIn.
Est-ce que vos cibles parlent le même jargon que vous ? Quelle est la problématique de votre cible et donc que va-t-elle faire comme requête ? Selon son niveau de connaissance, vous n'utiliserez pas forcément les mêmes mots dans votre site...
2️⃣ Le bon texte tu rédigeras (ou feras rédiger)
Et ce texte ne doit pas être une pâle copie de tous ceux qui existent déjà, se bornant à utiliser certains mots d'un champ lexical dicté par un outil, aussi génial soit-il. Posez-vous plutôt la question : qu'est-ce que votre cible espère trouver sur votre page ? Des informations ? Des tutoriels ? Une transaction rapide ? Les textes que vous proposez doivent être le début d'une expérience, ils marquent la qualité de votre entreprise.
3️⃣ Sur différentes stratégies tu miseras
Le référencement naturel ne se cantonne pas à positionner des mots-clés sur une page. On peut déjà renforcer ce procédé en créant des cocons sémantiques mais on peut également actionner d'autres leviers : la popularité, par exemple - longue histoire, bien trop longue pour aujourd'hui !
Et c'est sur cette ambivalence que nous surfons tous les jours, chez Rédactographe... Rédiger des textes pour positionner les sites de nos clients tout en restant créatif. Dire suffisamment sans mots creux, vides de sens. Ne jamais céder aux sirènes du texte "pour le SEO". Mais tout en restant performant "pour le SEO".
Et vous ? Où vous situez-vous sur l'échelle de la paupérisation des informations contenues sur nos sites web, sous prétexte d'un meilleur référencement ? Pensez-vous que les chercheurs en sémantique n'auront bientôt plus de boulot, tant l'uniformisation conduit à la simplification ? Racontez-nous en laissant un commentaire. 👇
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🗣 Les prises de parole de Rédactographe ce mois-ci :
Ana nous a parlé des prestations SEO proposées dans les agences de référencement.
Ana nous a expliqué les expressions “Il y a belle lurette” et “Ne pas être sorti de l’auberge” sur LinkedIn.