C'est quoi, un bon nom d'entreprise ?
Ou comment prendre parfois le contre-pied de ce qui est attendu
Une des spécialités de Rédactographe est donc le naming. Cette discipline qui consiste à nommer des marques, des entreprises, des produits est une prestation particulière. Nos clients ont toujours de grandes attentes. Car le nom est ce qui concrétise une marque. On dit d'ailleurs que le nom incarne la marque. Nous nous sommes interrogées, d'ailleurs, sur ce terme d'incarnation, d'origine biblique et souvent employé en communication :
Quelles sont les caractéristiques d'un bon nom ? Nous avons ce mois-ci voulu questionner ce qui fait qu'un nom fonctionne – en théorie – et surtout vous présenter des noms qui dérogent à la règle. Qu'est-ce qui fait que des marques réussissent, pourtant, à s'incarner dans des noms que d'autres auraient absolument refuser de porter ?
Un bon nom doit être facilement prononçable
Je ne veux pas que nos clients écorchent notre nom à chaque fois qu'ils le prononcent ! Alors faites simple !
Je répondrais par quelques contre-exemples célèbres :
FILA qu'une personne sur deux prononce "FILS" en raison du logo qui prête à confusion :
Søstrene Grene : les sœurs Grene en danois… mais comment le prononcer en français sans avoir l'impression d'avoir une poignée de pop-corn dans la bouche ?
Vous êtes plutôt Vittsjö ou Arkelstorp pour votre bureau ? Je fais évidemment référence aux noms de produits chez IKEA (dont Ana nous avait révélé le secret sur LinkedIn il y a quelques temps...)
Pour "Jane de Boy", vous le prononceriez à la française (Jeanne de Bois) ou à l'anglaise ?
Et les boules de pétanque OBUT, on dit "OBU" ou "OBUT" ?
Ces difficultés résultent souvent de noms créés dans les langues étrangères. Comment prononcer Happn ou Drivy quand on n'est pas si anglophone que cela... Un nom étranger donnera certainement lieu à des interprétations phonétiques parfois bien cavalières... Pas sûre que, par exemple, tout le monde prononce "Nike" de la bonne façon en français.
Souvent, la question ne se pose pas vraiment : on lit la marque plutôt qu'on ne la dit, on se fait sa propre cuisine interne mais quand vient le moment d'en parler, ça bloque :
🤔 "Mince, on dit comment ?"
"Tu sais, sosternegrenengen, cette marque danoise avec les deux sœurs !"
Et la marque vit une autre vie dans l'interaction, elle donne lieu à un accident qui marque les personnes qui ont à prononcer son nom.
Mais cela peut donner lieu à une appropriation : "face book", voire "face de bouc" prononcé à la française, apporte une dimension affective à la marque ou du moins une connivence entre les interlocuteurs.
Et le défaut de prononciation fait la force de la marque...
Un bon nom doit pouvoir s'écrire aisément
Mais si, envoyez votre mail à contact@nnhhlll.com, avec 2 N, 2 H et 3 L, c'est quand même pas compliqué !
Là encore, la difficulté vient souvent de noms venus de langues étrangères : combien de A à Häagen-Dazs ? Et le W, on le met où dans Volkswagen ?
Prenons par exemple la marque norvégienne Napapijri (je viens de vérifier 2 fois, je crois que je tiens la bonne orthographe, mais je n'en mettrais pas ma main à couper non plus). Pour arriver sur le site français de la marque, 2900 personnes par mois tapent sur Google "napapiri", 90 "nanapuri", 90 encore "napa pigerie". Cela sans compter toutes les requêtes que Google a dû automatiquement corriger...
En dehors de ces questions internationales, il n'est pas rare de voir des noms de marques doubler certaines lettres de leur nom. C'est souvent pour des questions de disponibilité, notamment de noms de domaines : avec un A, ça ne passe pas. Avec deux A, ça passe ! Et cet accroc orthographique permet là encore d'apporter un accident visuel qui va rendre la marque plus mémorable.
Un bon nom ne doit pas être anglophone si la marque est française
Mais pourquoi parle-t-on de "made in France" ou de "French tech", pour désigner quelque chose qui est purement français ? 🇫🇷
Et certains l'ont bien compris en affichant la valeur "fait en France" dans leur nom : le slip français, le matelas français, etc.
D'autres, pourtant, ne s'y sont pas résolus : Big Moustache, Make my Lemonade, Kippit, ...
Est-ce que cela leur retire de la valeur ? Est-ce que ces marques sont "moins" françaises ? Je vous laisse juger...
Un bon nom doit être transparent et décrire l'activité de l'entreprise
On ne va quand même pas prendre un nom qui ne veut rien dire ou qui n'a rien à voir ?
Allez, je vous donne un seul contre-exemple.
Apple. 🍎
Apparemment, aucune raison, aucune histoire, aucune évocation cachée. Il aurait suffi que Steve Jobs visite un lieu, "le verger de la pomme", pour avoir cette idée. Et comme lui et ses associés n'ont rien trouvé de mieux, ils l'ont gardé. Je vous encourage à lire cet article pour l'histoire complète.
Un nom peut en effet dire les choses clairement. Il peut aussi les évoquer, il peut convoquer un imaginaire, il peut prendre le contre-pied. Est-ce qu'un nom qui n'a pas de lien empêche le développement de l'entreprise ? Je ne pense pas qu'Apple soit à plaindre... 💸
Un bon nom ne doit pas avoir de consonance graveleuse
On est tous d'accord et pourtant ! Est-ce qu'on prévoit toujours les traductions de sa marque ?
Le Japon a ainsi créé la Mazda Laputa et a eu du mal à l'exporter à l'international. Un DJ apparemment bien connu outre-Atlantique a créé sa marque : BITE. Bad buzz de notre côté de l'Atlantique.
Un conseil : si vous comptez vous lancer à l'international, faites-vous accompagner. 😉
Ces consonances peuvent également apparaître dans les acronymes : je pense par exemple à la marque DPD, qui peut accueillir nombre de railleries (homophobes), surtout quand on assiste à des retards de livraisons indépendants : DPD, c'est vraiment des... Bref.
Mais, encore une fois, si une consonance familière voire graveleuse est assumée et justifiée par la stratégie de marque, ce pas de côté par rapport à la norme permet de faire une différence dans l'univers concurrentiel de la marque.
Un bon nom doit être court
"Deux syllabes maximum"
C'est une contrainte qui nous est souvent donnée. Deux syllabes seraient-elles plus facilement mémorisables que 3 ou 4 ?
Identité, valeurs, cibles,... Une longueur de nom ne doit pas être revendiquée telle quelle. Elle doit remplir une fonction dans l'incarnation de la marque.
Rédactographe en est d'ailleurs le contre-exemple. Et nous revendiquons cette longueur.
🔎 La minute étymologie : Saviez-vous qu'un nom long, en tout cas dans langue française, appartient généralement à un registre de langue plus soutenu, technique ou scientifique ? En effet, un mot du vocabulaire courant a traversé les temps. Il vient directement des langues anciennes et a été "abîmé" au passage des années, certaines syllabes ont été mangées, et ses sens se sont souvent étoffés. Un mot long a été réemprunté à un moment pour dénommer un concept. Il n'a donc pas souffert du temps et a conservé davantage d'éléments de la langue classique. Par exemple, calvus en latin a donné "chauve" (qui a traversé les temps) et calvitie (qui a été formé au XIVème siècle).
Le nom Rédactographe est donc volontairement long, afin d'appuyer sur notre expertise scientifique de la langue.
De plus, comme l'usage a une fâcheuse tendance à raccourcir les mots, surtout ceux qu'on aime ou qu'on utilise souvent (combien de Frédéric sont plus souvent nommés Fred et Isabelle appelées Isa ?), les marques aux noms longs donnent lieu à des diminutifs qui affichent l'affection à la marque. Entre nous, nous disons Rédacto. Nos clients les plus proches aussi, souvent !
De même, on va davantage au McDo plutôt qu'au McDonald's, on boit un Coca et non un Coca-Cola ou une Despe plutôt qu'une Desperado (Desperados ? Tiens, je suis perdue !).
Loin de nous l'idée de ne proposer à nos clients que des noms imprononçables ou dénués de sens ! Cependant, par ces contre-exemples, nous voulions toucher un point : à vouloir être trop parfait, le nom en devient trop lisse. Rien n'accroche, et donc on ne s'en souvient pas. Tous les noms courts en -a ou -eo en sont la preuve : on ne sait pas dans quel ordre mettre les sons. De la même manière, les prénoms comme noms de marques n'impriment plus les esprits (mais si, tu sais, la marque Claudette ou Odette ou Bernadette, tu vois de laquelle je parle ?!). Et les noms passent de mode, ne traversent pas les temps, quand ils doivent incarner une marque qui, elle, demeure.
Remettre des noms issus d'un brainstorming à nos clients, ce n'est pas que leur présenter le fruit de notre travail. C'est également aider nos clients à se projeter et à faire ce pas de côté qui rendra leur marque mémorable. À oser un nom qui ne coche peut-être pas toutes les cases, mais qui ne sera pas le résultat d'un consensus un peu plat entre tous les décisionnaires.
📝 Et gardez à l'esprit :
La marque vit avec – ou malgré – son nom. Et si son nom est le début de son histoire, il n'est pas toute l'histoire. Un nom est aussi une question d'appropriation d'une cible qui adhère à l'histoire. Et c'est cela qui fait la magie du naming.
🧐 Pour aller plus loin sur la question, on vous encourage à découvrir l'étymologie du mot nom et celle de création.
Car cette notion de création est la clé. C'est d'elle que part le processus de "nommage" ou "naming". Un naming, c'est une bonne connaissance de la marque. De bonnes connaissances linguistiques. Mais c'est aussi un je ne sais quoi qui fait que nous savons les noms qui sont porteurs de sens, nous décelons ceux qui vont raconter une histoire.
Certains passent par des générateurs de noms, concept que nous avons décortiqué ce mois-ci 👉 https://bit.ly/3xJYoQ2. Nous avons choisi de passer par un bouillonnement de cerveaux ! 🧠
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🗣 Les prises de parole de Rédactographe ce mois-ci :
Ana est restée dans la thématique en se demandant d'où pouvait bien venir l'expression Un nom à coucher dehors
On vous a partagé l'histoire de certaines de deux de nos créations de noms : Naâd et ORAKA.
... Et comme Ana trépigne à l'idée que les salles rouvrent bientôt, elle s'est penchée sur l'histoire du mot cinéma sur Instagram.